La presse

LA CINQ fait la une !

Depuis la création de La Cinq et jusqu'à sa fin tragique, l'histoire tumultueuse de la chaîne fut reprise et analysée par la presse écrite.

Voici une sélection d'articles tirés des archives de La Dépêche du Midi , de L'auto-hebdo et de L'Est Républicain.

( merci à Jean-Luc Julien pour ses démarches et ses recherches à La Dépêche du Midi )

 

Cliquez sur l'article de votre choix :

"LA CINQ pour Robert Hersant" La Dépêche du Midi, mardi 24 février 1987.

"Des TV très privées" La Dépêche du Midi, mardi 24 février 1987.

"Une faute économique" La Dépêche du Midi, mardi 24 février 1987.

"Morte! la plus jeune des télés" La Dépêche du Midi, mardi 24 février 1987.

"Y'en a plus qu'une, c'est LA CINQ !" L'auto-hebdo, 27 juin 1990.

"576 postes concernés" La Dépêche du Midi, mercredi 18 décembre 1991.

"Un paysage encombré" La Dépêche du Midi, jeudi 19 décembre 1991.

"LA CINQ, dernière édition…" L'Est Républicain, mars 1992.

"Les délais sont écoulés" La Dépêche du Midi, vendredi 3 avril 1992.

"LA CINQ, dernière semaine" L'Est Républicain, lundi 6 avril 1992.

"CINQ" L'auto-hebdo, 8 avril 1992.

"Les dernières heures de LA CINQ" L'Est Républicain, dimanche 12 avril 1992.

"L'éclipse" L'Est Républicain, lundi 13 avril 1992.

"Éclipse totale sur La Cinq" L'Est Républicain, lundi 13 avril 1992.

 

 

La Cinq pour Robert Hersant

 

L’association Hersant-Berlusconi qui succède à la tête de la cinquième chaîne au tandem Seydoux-Berlusconi aura pour elle l’avantage de la continuité : les téléspectateurs qui, le 1er mars prochain, passeront de l’ancienne "5" à la nouvelle verront sans doute peu de changements dans les programmes, et ni le nom ni le logo (le chiffre 5 avec une étoile) ne changeront.

Le démarrage sera progressif. Il faudra deux mois pour effectuer un certain nombre de grands changements. Et le vrai grand rendez-vous est fixé en septembre prochain, a précisé le nouveau directeur délégué de la chaîne, Philippe Ramond, qui a dirigé Canal + à ses débuts. Silvio Berlusconi, qui reste vice-président directeur général de la chaîne avec 25% du capital à égalité avec Robert Hersant, est l’un des plus grands détenteurs européens de séries et feuilletons en tout genre : "Supercopter" a encore de beaux jours devant lui…

Par la suite, cependant, le visage de la "5" tendra progressivement à ressembler à celui de TF1 et A2 ("On dit : il n’y en a qu’une, c’est la Une. J’espère que dans l’avenir les téléspectateurs français diront : il y en a trois, la une, la 2 et la 5", a souligné Philippe Ramond). La grille présentée par les nouveaux repreneurs comportera des films et des séries, mais également des jeux, des variétés, des dessins animés, des magazines, du sport, des émissions religieuses (le dimanche matin de 7h à 8h) et surtout de l’actualité.

L’apparition de l’information sera, en effet, le grand plus de la nouvelle "5". Ce sera le jardin privé du nouveau PDG, Hersant, qui a assuré devant la CNCL qu’elle serait pluraliste.

La chaîne engagera progressivement 80 journalistes qui bénéficieront des installations ultra modernes acquises par le patron du "Figaro", boulevard Pereire. 1197 heures par an, avec des flashs toutes les heures, 4 journaux télévisés quotidiens, des débats, des magazines hebdomadaires et mensuels.

La Dépêche du Midi du mardi 24 février 1987.

 

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Des TV très privées

 

C'est le choix du roi.

L’alternance, rien que l’alternance mais toute l’alternance, c’est aussi vrai en matière de communication que de régime politique. La 5 et la 6 ont changé de mains, sans la moindre nuance… et sans hésitation. Malgré un simulacre de show TV devant la CNCL, on n’a finalement entendu que la voix du maître politique du moment. Professionnalisme mis à part - mais qui ne l’est pas à ce niveau – les choix sont tout simplement politiques.

Robert Hersant sur la 5e chaîne. Métropole TV, la chaîne parisienne et chiraquienne sur la 6, voilà bien un pouvoir comblé en quelques heures. Deux chaînes à sa disposition. La télévision en France, publique ou privée est toujours du domaine réservé. C’est l’affaire de l’État. Celle du bon vouloir, d’une protection politique que l’on imagine plus efficace, des amis que l’on veut remercier, mais aussi des erreurs multipliées. Craignons qu’une fois encore, on rate le rendez-vous avec l’audiovisuel sans frontière.

 

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Une faute économique

 

L’explication est simple.

La 5 et la 6 seront, dès le mois prochain, des télévisions dites généralistes.

Faisons les comptes : nous voilà dotés de 5 chaînes qui vivront de recettes publicitaires pour alimenter des programmes complets (informations comprises) donc très coûteux.

Quelle concurrence pour grappiller quelques points d’écoute ! Et à quel prix ?

Le marché français va exploser. A la faute politique – celle de la mainmise sans vergogne – s’ajoute une erreur économique fatale aux télévisions françaises et au-delà à tout l’équilibre des médias de notre pays.

Tout à leur chasse hexagonale des téléspectateurs, les TV françaises, sur un gâteau publicitaire émietté, ne pourront pas lutter avec les grandes stations étrangères qui véhiculent les satellites.

Robert Hersant, qui est le contraire d’un rêveur, avait mis le gouvernement en garde des dangers à accorder une vocation généraliste à toutes les chaînes. C’est fait. Très vite, pour financer ces chaînes, les secteurs jusque là interdits à la télévision seront ouverts, en particulier celui de la distribution. Après les radios et les magazines, la presse écrite quotidienne sera très vite déstabilisée. Même si l’on prend soin de nous annoncer qu’un observatoire de la publicité veillera sur l’évolution des marchés.

A peine leur ticket en poche, les exploitants de la 5 et de la 6 entonnaient, hier soir, des chants guerriers pour conquérir la tête du hit-parade. " Nous ferons aussi bien que la 2 ", annonçait Robert Hersant. " Nous sommes prêts au combat de l’audience face aux autres chaînes ", rétorquait Jacques Rigaud, le patron de la CLT, associé sur la 6 à la station parisienne Métropole TV.

Tout cela cache mal une bien triste journée pour l’avenir de l’audiovisuel français.

 

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Morte ! la plus jeune des télés

 

La CNCL n’a pas résisté aux pressions politiques. On s’y attendait en se prenant à espérer quelques espaces d’indépendance. Tout aussi attendue, la condamnation unanime de l’opposition. "C’est la fête des copains", lançait le porte-parole du PS. "C’est grave et inquiétant", ajoutait Pierre Mauroy. Et celle de la CFDT qui craint que "Robert Hersant ne devienne le ministre de l’information de fait et ce syndicat s’interrogeait sur la part du marché publicitaire qui restera aux entreprises de presse". Dommage que le professionnalisme évident des titulaires de droits de TV comme Berlusconi, la CLT ou encore Jean Drucker soient obligés d’en passer par un habillage politique pour passer l’écran. Crevés aussi les filtres de la politique, qu’ils s’appellent Haute Autorité ou CNCL.

Il restait, hier soir, à la CNCL à enregistrer les candidatures en vue de la privatisation de la 1 ère chaîne.

A l’heure du journal télévisé de 20 heures, cette chaîne enregistrait la candidature de Francis Bouygues, et peu avant minuit, celle du groupe Hachette, et de la société de publicité "Tête-à-Tête".

Mais, déjà, le PAF avait pris un sérieux "coup de vieux" politique en une seule journée. Même la petite musique, celle qui montait allègrement sur la 6 va se taire. Un de ses initiateurs avait bien raison de dire : "les jeunes ont perdu".

Guy-Michel Empociello, La Dépêche du Midi du mardi 24 février 1987.

 

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Y'en a plus qu'une, C'est la Cinq !

 

L'issue finale du Grand Prix de Mexico méritait bien une veillée si tardive. Prost et Mansell ont été époustouflants. Mais là n'est pas le propos.

L'info de la semaine, en dehors des potins de la rubrique transferts, n'est autre que la pôle obtenue par la Cinq en matière de retransmission des Grands Prix. Un contrat de trois ans vient d'être signé entre la FOCA, qui détient les droits TV en F1 (mais ailleurs, aussi...) et la Cinq. A force de jouer avec le feu, TF1 s'est grillé. L'horaire du Grand Prix du Mexique est un exemple parmi d'autres. Le différé n'avait rien de léger. Le départ a été donné en réalité à 22 h (heure française) et Prost a franchi la ligne d'arrivée sur le petit écran à 0 h 30 environ. Un peu longuet, non ? Mais la chasse à l'Audimat de TF1, liée à la programmation parfois loufoque des Grands Prix, n'explique pas à elle seule ce bouleversement dans l'audiovisuel.

L'attachement aux sports mécaniques, les liens qui unissent depuis longtemps Balestre et Hersant (quoi qu'en dise le président de la FISA) ont sans doute été déterminants. De même que l'éventualité de revendre des images à d'autres chaînes, signe d'une exclusivité gérée intelligemment. Peu importent les tenants et les aboutissants.

Même si la Cinq ne couvre pas la totalité du territoire, du moins pas encore, il n'y a pas lieu de paniquer. Au contraire même, si l'on se réfère à ses retransmissions dans le domaine des rallyes-raids, de la F 3000, du rallye et de la moto. Attention, cependant. Les garanties, Bernie Ecclestone n'est pas le seul a en exiger. Le frustré de téléspectateur en réclame aussi, même s'il n'a pas le choix. Les responsables de la Cinq devront forcément en tenir compte, sous peine de déclencher de nouvelles émeutes. Et nous sommes bien placés pour les prévenir, à en juger par vos réactions épidermiques. Reste à savoir si le message sera reçu cinq sur cinq.

Philippe SECLIER, L'auto-hebdo du 27 juin 1990.

 

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576 postes concernés

 

Plus de 2/3 des emplois supprimés à la Cinq.

Le président de La Cinq Yves Sabouret a présenté, hier, au comité d’entreprise, un plan de redressement qui prévoit le licenciement de 576 membres du personnel, tous contrats confondus, sur 820, a annoncé hier soir, Frédéric Dézert, représentant du Société Nationale des Journalistes. Ces licenciements devraient être effectifs début mars 1992.

Au total, il va rester 244 personnes dont 27 journalistes sur 112. Parmi ces journalistes seront pris en compte les Journalistes Reporters d'Images. Ces chiffres "dépassent la pire des hypothèses" que nous envisagions, a déclaré le représentant du SNJ. Selon les représentants syndicaux au comité d’entreprise, la direction a par ailleurs annoncé un déficit de 1,121 milliards de francs pour 1991, soit les déficits cumulés de 1989 et 1990.

La Dépêche du Midi du mercredi 18 décembre 1991.

 

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Un paysage encombré

 

La faillite de la 5 sanctionne une chaîne de TV commerciale incapable, depuis sa création, de stabiliser une audience.

A cet égard, les dirigeants successifs ne sont jamais parvenus à imposer un style. Des programmes inégaux, d’innombrables niaiseries ont gâté un effort réel en matière d’info.

Au total, le public s’est détourné et la loi de la concurrence sanctionne sans tendresse une entreprise exsangue.

Fallait-il consentir à la 5 des commodités ? Elle revendique le bénéfice d’une coupure publicitaire supplémentaire par film. Le CSA s’y est opposé dans un souci d’équilibre, compte tenu des besoins légitimes de l’ensemble de la presse.

La chute de la croissance au lendemain de la guerre du Golfe avait privé la Cinq – comme l’ensemble de ses confrères – de recettes substantielles.

La vérité est qu’il n’y a pas de place pour tout le monde dans un paysage médiatique encombré où trop d’intérêts concurrents se bousculent.

Ce naufrage est navrant parce qu’il est d’abord un naufrage social ; mais il encourage une réflexion sur l’avenir de l’audiovisuel entraîné jusqu’à l’absurde dans une course à l’audience implacable.

Les téléspectateurs s’essoufflent. Ils ne suivent plus.

La Dépêche du Midi du jeudi 19 décembre 1991.

 

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La Cinq, dernière édition...

 

Jean-Claude Bourret a présenté hier le dernier journal en extérieur de la chaîne, alors que d'ultimes initiatives de sauvetage sont prises.

La rédaction de La Cinq a organisé hier à 12 h 45 son " dernier journal en extérieur", en public et en plein air, au pied de la Tour Eiffel à Paris, devant les téléspectateurs venus lui apporter leur soutien. Quatre cents personnes selon la police... "plusieurs milliers " selon Jean-Claude Bourret, présentateur du journal et président de l'Association de défense de La Cinq, assistaient à cette édition réalisée sur un podium et sous un pilier de la Tour, Au menu, l'actualité du jour et surtout, en deuxième partie de journal, celle d'une Cinq menacée de liquidation judiciaire à partir du 3 avril. Les assistants arboraient "pin's" et autocollants affichant l'ancien logo de la chaîne, celui d'avant Hachette.

Parmi les invités, le président de l'Assemblée de liaison du notariat français Charles Mourret a annoncé qu'à partir du 1er avril, les Français pourront, chez leur notaire, signer une "déclaration d'intention de devenir actionnaire de La Cinq", avec le montant d'une future participation si un appel à l'actionnariat public était lancé pour sauver la chaîne.

Un sursis?

L'Association de défense a, elle, exprimé son intention de "proposer un plan de continuation, de redressement". "Les patrons de La Cinq sont les téléspectateurs", a lancé Jean-Claude Bourret, qui a un moment fait monter au tour de lui tous les journalistes de La Cinq présents. Il a réaffirmé qu'il n'est pour le moment "pas question " d'organiser une manifestation de soutien, "sauf si, a-t-il .dit, on veut vraiment, jusqu'au bout, nous assassiner". Pour autant, certains salariés semblent maintenant estimer qu'il n'y aurait pas d' "écran noir" à la date du 3 avril, fin de la période d'observation décrétée par le Tribunal de Commerce de Paris. Ils notent, par exemple, que La Cinq a officiellement annoncé la diffusion le week-end prochain du Grand Prix du Brésil de Formule l. D'aucuns se demandent même si le délai de survie ne pourrait être allongé au-delà, une mesure qui (si elle peut être financée) dépend en tout état de cause du Tribunal de Commerce de Paris.

L'Est Républicain, mars 1992.

 

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Les délais sont écoulés

 

Des propositions de la dernière heure vont-elles sauver la Cinq ?

Les salariés de la Cinq semblaient pessimistes, hier soir, à la veille de la décision du tribunal de commerce qui statue, aujourd’hui, sur l’avenir, même si l’Association de Défense de la 5 annonçait "in extremis" le dépôt d’un projet "de continuation" auprès de l’administrateur judiciaire, Hubert Lafont.

" En l’état actuel de nos infos, c’est plutôt la liquidation qui nous attend " affirmait dans l’après-midi Michel Drumont, président de la société des journalistes, un autre responsable parlant " d’une chance sur 10 " de sauver la chaîne dont la période d’observation décrétée le 3 janvier par le tribunal de commerce de Paris échoit aujourd’hui.

Même dans l’hypothèse d’une liquidation – l’audience du tribunal de commerce est fixée à 15h30 – et de l’appel des syndicats qui devrait entraîner un sursis d’une semaine, comme la loi le permet, la chaîne devrait émettre encore quelques jours et diffuser ce week-end le GP de F1 du Brésil.

Jusqu’au dernier moment, le groupe Berlusconi a tenté de rallier de nouveaux actionnaires, notamment les annonceurs. Mercredi, au siège de l’Union des annonceurs (UDA), son représentant en France, Angelo Codignoni, leur a ainsi proposé de participer au tour de table (1 % à 2 % par annonceur, soit 15 à 30 millions de francs) en échange d’une diffusion gratuite de leurs spots. "Les annonceurs n’ont pas dit non mais n’ont pas non plus dit oui" a affirmé M. Alain Grangé-Cabanes, vice-président de l’UDA, selon lequel une réponse devrait être donnée d’ici le début de la semaine prochaine.

La liquidation judiciaire n’est donc pas la seule hypothèse retenue par les salariés de la Cinq : le tribunal pourrait aussi ordonner, si le groupe Berlusconi ou tout autre candidat "a quelque chose de sérieux à proposer", une nouvelle période d’observation.

Hier soir, Jean-Claude Bourret, président de l’Association de Défense de la Cinq (1 250 000 adhérents), proposait ainsi un "plan de continuation" qui pourrait passer par la participation financière des téléspectateurs, de PME-PMI et d’institutions financières. L’association demandera une prorogation de la période d’observation d’environ 1 mois pour mettre sur pied le tour de table définitif.

La Dépêche du Midi du vendredi 3 avril 1992.

 

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La Cinq, dernière semaine

 

Seuls quelques-uns croient encore au miracle. "C'est mort", "c'est complètement cuit": certains journalistes de La Cinq avaient conscience hier d'entamer leur "dernière semaine", même si certains voulaient encore s'accrocher au "fol espoir" d'"une chance sur mille" de voir leur chaîne repartir.

Au lendemain de la décision du tribunal de commerce d'ordonner la liquidation judiciaire, assortie d'une autorisation de poursuite de l'activité jusqu'au 12 avril, le monde politique ne semblait pas immédiatement concerné par la perspective d'un écran noir. Rares étaient les politiques à réagir, à quelques exceptions près: tandis que Jacques Toubon (RPR) et François d'Aubert (UDF) appelaient "à sauver" la chaîne, Jean Jack Queyranne ne voyait qu'un "miracle" pour venir à son secours. Le CSA, à qui il reviendra désormais de trouver une solution de remplacement, a annoncé qu'il "se déterminerait dans les semaines qui viennent".

Jean-Noël Jeanneney, nommé secrétaire d'État à la communication, en remplacement de Georges Kiejman reprendra-t-il l'idée de son prédécesseur? Celui-ci avait défendu la solution d'une chaîne "de la curiosité, du savoir et de la connaissance ".

L'Est Républicain du lundi 6 avril 1992.

 

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Cinq

 

À coup sûr, le chiffre du moment. Car on ne saurait manquer d'associer le numéro de Mansell à celui d'une chaîne de télévision appelée à disparaître.

Jusqu 'au bout, nos confrères du service des sports de La Cinq ont assuré un travail sans Faille au travers de ce Grand Prix du Brésil dont ils savaient déjà qu 'il serait le dernier pour eux. Pendant plus d'un an et dix-neuf Grands Prix, ils ont su donner une toute autre dimension à l'événement, permettant au téléspectateur de pénétrer au cœur de l'action, au cœur de la coulisse.

Pour des raisons que tout le monde connaît, et qu 'il n'est nul besoin de rappeler ici, la "cinquième" chaîne a été irrémédiablement condamnée, sans qu'aucun recours en grâce lui soit accordé. Tout un édifice a été réduit à néant par la volonté de quelques-uns, et nous, pauvres téléspectateurs, ne pouvons que regretter cette disparition.

Pourtant, comme au cirque ou dans la vie, le spectacle continue. Il s'est même poursuivi uni fermement pour le duo de Williams/Renault, Nigel Mansell et Riccardo Patrese, encore une fois inabordable sur la piste de Sao Paulo. Trois courses, trois doublés ! Senna et Prost avaient réalisé le même exploit au cours de la saison 88, mais qui sait si Nigel et Riccardo ne vont pas établir un record du genre dès le prochain Grand Prix en Espagne ? D'ici là, McLaren aura eu un bon mois pour mettre au point sa nouvelle MP4/7, alors que d'autres équipes n'auront pas trop de ce laps de temps relativement important pour combler l'écart qui les sépare des "bleu et Jaune".

Constantes et efficaces dans leurs performances, d'une fiabilité exceptionnelle, les Williams/Renault, c'est l'avis de Patrick Head, n 'ont pas autant progressé qu 'on veut bien le dire. La disparition des pneus de quai ifs aux essais a quelque peu brouillé les cartes, mais à l'évidence, entre 91 et 92, les monoplaces anglo-françaises ont obtenu un mieux certain sur la grille au contraire de leurs adversaires qui, elles, restent en deçà de leurs précédentes prestations.

Aussi se refuse-t-on à afficher tout excès de confiance dans le clan Williams/Renault en attendant le premier rendez-vous européen dont on ne sait encore, téléspectateurs que nous sommes, sur quelle chaîne il nous sera donné. Mais nous penserons sûrement très fort à nos "magiciens" de La Cinq.

Christian COURTEL, L'auto-hebdo du 8 avril 1992.

 

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Les dernières heures de La Cinq

 

La chaîne fait ses adieux ce soir à son public. Avec un pot-pourri de ses meilleurs moments.

Un match de foot, "La Cinq" contre "les hôpitaux de Paris" hier dans un stade de la capitale, et, à l'antenne, les appels inlassables aux téléspectateurs : avant la grande soirée finale suivie de l'écran vide à minuit, la chaîne n'en finit pas de vivre ses dernières heures, avec beaucoup d'émotion.

Et de volonté d'y croire jusqu'au bout : ainsi Jean-Claude Bourret a-t-il annoncé la poursuite de son combat pour le projet "Cinq plus", dont les téléspectateurs seraient les actionnaires, et donc les décideurs. Selon lui, l'association de Défense de la chaîne compte désormais 1.313.141 adhérents.

En guise d'adieu à son public. "Il est moins cinq", à 20 h 50, proposera une compilation des meilleurs moments de la Cinq, l'intervention de tout membre du personnel qui aura quelque chose à dire, et un final "surprise et symbolique". La bande-annonce, spatiale, invite le maximum de téléspectateurs à regarder ce phénomène unique, "la création d'un trou noir, l'éclipsé totale".

De son côté, Jean Drucker, le PDG de M6, veut voir dans la disparition de la Cinq le résultat sans doute " des erreurs de stratégie et de gestion ", mais aussi plus sûrement de la réglementation et de "l'absence navrante d'organisation du système de régulation". "Il serait peut-être temps de mettre la France à l'heure de l'Europe, alors qu'elle se cache derrière une dérisoire ligne Maginot qui va peut-être s'effondrer sur les chaînes qu 'elle est censée protéger", a affirmé le PDG de M6.

L'Est Républicain du dimanche 12 avril 1992.

 

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L'éclipse

 

Première hier soir: la mort en direct d'une chaîne de télévision. Mais aussi soirée émouvante pour la dernière de la "Cinq", avec la diffusion des moments forts qui ont fait l'image de la chaîne depuis son lancement en 1986. Fin d'une agonie qui a duré quatre mois. Ce matin écran noir.

 

L'Est Républicain du Lundi 13 avril 1992. ( 1re de couverture )

 

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Éclipse totale sur La Cinq

 

L'écran noir est tombé, hier soir, après une émission spéciale marquée par l'émotion.

Hier après-midi, boulevard Pereire, le ballet était incessant dans le grand hall de la "Cinq". Des centaines de Parisiens sont venus manifester leur soutien. Ils venaient avec un chèque, pour acquérir une action ou plusieurs, en vue de racheter la chaîne, qui a cessé d'émettre hier à minuit. Mais ils n'oubliaient pas de réclamer un pin's et repartaient avec un auto-collant. Les autres poussaient jusqu'au Palais des congrès, à deux pas, "puisqu'on est dehors", et que l'absence de soleil n'incitait pas à la promenade.

A quelques mètres de là, dans le bâtiment de la rédaction, tout est encore calme. Annie et Nathalie, deux jeunes journalistes, à la "Cinq" depuis 88, ne sentent pas encore la différence avec les autres jours. "On ne se rend pas compte que c'est notre dernier jour. Nous sommes conditionnés depuis décembre, quand Hachette a lâché. Le plus grand choc était ce jour-là. D'autant qu'en octobre, on embauchait encore, on pensait que cela n'allait pas si mal. Dès le départ, les téléspectateurs nous ont soutenus par des lettres d'abord, financièrement aujourd'hui". "C'est un problème politique qui nous dépasse, assure un délégué syndical. On sait maintenant que Hachette était au courant depuis avril que la fin de l'année serait catastrophique. On croyait qu'il allait renflouer. Notre tort a été de vouloir concurrencer TF1". "Le combat continue".

16 h. Les "vedettes" commencent à arriver. Muriel Hess, en marine et blanc, Jean Lefebvre, en jeans, Gilles Schneider tout en noir et Jean-Claude Bourret en costume clair. Celui-ci, président de l'association de défense de la "Cinq", est immédiatement "harponné" par la chaîne japonaise NHK. La mort en direct d'une chaîne de télévision, une première en France, mérite bien cet honneur. Pour Bourret, ce n'est pas fini. "Le combat continue, assure-t-il. D'abord avec un hebdomadaire, Cinq Plus, qui devrait tirer à 400.000 exemplaires. Puis, avec des conférences, des manifestations. L'association de défense de la Cinq sera associée à toutes les solutions de reprise".

Muriel Hess partage la même détermination. Mais ce soir, elle se dit "extrêmement triste, écœurée. Comme le reste de la rédaction, je croyais à la solution Berlusconi. Nous avons eu tort de renoncer à ce côté agressif, même un peu voyeur de l'information. Quand Hachette a évincé Guillaume Durand, qui était un peu notre vitrine, nous n'avons rien dit. Il en a été peiné, sans doute. Je ne suis donc pas choquée qu'il soit parti avant que le bateau ne coule".

Une agonie de quatre mois. La rédaction grouille de monde. On ne sait plus qui est qui. Les télévisions voisines, TF1 devançant A2 d'une courte tête, débarquent, alors qu'on met en place les caméras et les projecteurs pour la soirée spéciale. Dans le brouhaha, on met la dernière main au "best off" de la courte histoire de la Cinq. Des reportages, émissions spéciales, qui ont fait l'image de la Cinq depuis 86.

En un peu plus de trois heures, alors que la foule massée dehors attendait peut-être que les lumières s'éteignent et que des centaines de motards manifestaient leur solidarité, on est passé de l'émotion, avec l'hommage à Jean-Louis Calderon par exemple, aux rires du bêtisier.

La Cinq ne voulait pas d'un départ triste. Elle a réussi, même si les applaudissements qui accompagnaient l'éclipse totale de la Cinq sonnaient triste.

Ce matin, les employés de la Cinq sont à nouveau au bureau, afin d'y apprendre toutes les démarches à effectuer pour s'inscrire à l'ANPE. Leur lettre de licenciement devrait leur parvenir le 17. L'agonie de la Cinq aura duré tout juste quatre mois.

Nicole COLLET, L'Est Républicain du lundi 13 avril 1992.

 

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