Abécédaire

Lettre E

Éclipse totale

Émetteurs

Extérieurs

 

ÉCLIPSE TOTALE : 20 h 30, dimanche 12 avril 1992. La Cinq est au bord du grand trou noir. Dans quelques heures, à minuit précise, tout sera fini. A la rédaction, l'ambiance est à peine descriptible. Prévue pour contenir une quarantaine de journalistes, la news room est littéralement envahie dans la plus inimaginable des pagailles... Salariés de la chaîne, photographes, journalistes français et étrangers, membres de l'Association de défense de La Cinq, ils sont tous là, venus accompagner La Cinq vers son funeste sort. A l'extérieur sur le boulevard Pereire, la foule s'amasse devant l'entrée de la chaîne.

Des écrans vidéo viennent d'y être installés...Personne ne veut rater l'événement. Durant toute la soirée dans un tourbillon d'images, l'histoire de La Cinq défile. Au milieu de la rédaction transformée en plateau de télévision, Marie-Laure Augry, Jean-Claude Bourret et Gilles Schneider retracent les grands moments de la chaîne. Interviews et témoignages se succèdent entrecoupés de reportages et d'extraits des meilleures émissions. Une soirée intense et passionnée, émouvante et joyeuse dont personne ne veut manquer la moindre seconde. 23 h 59: Quelques mots de Patrice Duhamel. Le directeur de l'information rend hommage "au sang froid, à la dignité et au panache, avec lequel le personnel de La 5 a travaillé durant ces derniers mois".

Jean-Claude Bourret lance alors le décompte repris par toute l'assistance : 5...4...3...2...1... 0. la neige tombe sur La 5. L'éclipse envahît; l'écran avant de laisser place à ces quelques mots : La Cinq vous prie de l'excuser pour cette interruption définitive de l'image et du son... C'est fini. Un silence de mort traverse quelques instants la rédaction. Émotion silencieuse et recueillie. Comme choqué devant la réalité de l'écran noir, chacun reste immobile devant son récepteur, peut-être encore persuadé de vivre un mauvais rêve. Beaucoup essuient une larme...

ÉMETTEURS : Une télé qui se lance, c'est comme une chaîne de magasins qui s'installe. Pour survivre il faut sans cesse développer le réseau de diffusion. A l'origine. La Cinq est très lourdement handicapée. Avec seulement 14 émetteurs le 20 février 1986, la chaîne n'est reçue dans de bonnes conditions que par 40 % des Français. S'engage alors une véritable course contre la montre pour développer au plus vite le réseau. L'affaire est vitale, c'est l'existence même de la chaîne qui est en jeu : Face à La 5, TF1, Antenne 2 et FR3 disposent déjà d'une couverture quasi-totale du territoire avec environ 3500 émetteurs et réémetteurs chacun !!! Pourtant, malgré l'appel à des sociétés privées (Télédiffusion de France ne bénéficie plus du monopole d'installation et de maintenance du parc des émetteurs) le plan d'extension prend du retard. Autorisations accordées au compte goutte par les organismes de régulations, pesanteurs administratives. En 1989 deux Français sur trois captent La 5. Fin 91, avec l'appui des collectivités locales qui financent plusieurs centaines de sites d'émission couvre 80 % du territoire. La bataille du réseau est enfin gagnée, mais il est déjà trop tard.

 

EXTÉRIEURS : A la rencontre de ses téléspectateurs, La Cinq est maintes fois sortie de ses studios pour réaliser des émissions en direct, notamment le 13 heures. En 5 ans, 71 villes ont ainsi accueilli le journal de Jean-Claude Bourret. Car régie, hélicoptère de prise de vue, liaisons satellites, sont à chaque fois mobilisées pour réaliser ce type d'émission en direct. Mais malgré ces considérables moyens et la mobilisation d'une équipe d'une cinquantaine de personnes, un "extérieur" est toujours plein d'imprévu. Sa première "sortie", Jean-Claude Bourret s'en souvient encore :"C'était à Mirapolis. On nous avait installés au cœur de la base de loisirs. L'émission commence et soudain, une odeur insoutenable envahit le plateau, pourtant installé en plein air. Hors antenne, entre chaque sujet, on se met tous à chercher. Mais ce n'est qu'à la fin du journal que l'on découvre un malheureux visiteur victime d'une gastro-entérite en train de vomir derrière nos installations. Autant dire que le déjeuner qui a suivi ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. En revanche, je n'oublierai jamais ce direct de la Tour Eiffel, réalisé le 28 mars 92, devant plusieurs centaines de personnes, venues malgré le froid glacial, soutenir La 5. Ce sera notre ultime sortie."

 

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