Abécédaire

Lettre R

 Ramond

Reporters

Roumanie

 

RAMOND : L'Expansion, Le Point, Canal Plus, La Cinq. Au carrefour de ces quatre aventures un même homme : Philippe Ramond. L'homme aime les défis, c'est un bâtisseur. Après Canal Plus en 83, il rejoint l'équipe de Robert Hersant qui prépare son arrivée dans l'audiovisuel. Pour la petite histoire, c'est Philippe Ramond qui, dès 1985, déniche un vieux garage Renault sur le boulevard Pereire à Paris. Il en fera pour l'époque les studios les plus modernes au monde. Des studios dans lesquels deux ans plus tard, naîtra la nouvelle Cinq.

Août 86, La Cinq première version est rayée du PAF par la nouvelle majorité, le début d'un véritable marathon pour Philippe Ramond, chargé de monter le dossier de reprise. La récompense tombe en février 87 : la Commission Nationale de la Communication et des Libertés attribue La Cinq à Robert Hersant. Un cadeau à Hersant dira-t-on à l'époque ! L'expression fait doucement sourire Philippe Ramond.

Dans cette affaire, raconte l'ancien directeur délégué de La Cinq, nous avons été trompés ! La CNCL nous avait promis un réseau national, en fait, nous avons hérité d'une couverture "mitée" de 23 villes avec des émetteurs incapables de rivaliser avec ceux des autres chaînes. Malgré tous nos efforts pour développer au plus vite le réseau, l'échec de La Cinq était d'une certaine façon déjà écrit. Un échec qui doit aussi beaucoup à un incroyable empilement de réglementation au fil des ans. Limitation des coupures de publicité, quotas de productions et de diffusion, l'arsenal réglementaire aura coûté plus de deux milliards et demi de Francs à La Cinq en 1989 affirme Philippe Ramond, c'est à dire presque autant que les pertes cumulées de La Cinq sur 3 ans. Et Philippe Ramond d'ajouter: "il n'y a jamais eu en France une chaîne généraliste en trop mais plutôt un ministre réglementariste de trop.

REPORTERS : Souvenez-vous. Reporters, le magazine de Patrick de Carolis. Ce fut une révolution dans le PAF. Programmer des grands reportages à une heure de grande écoute, il fallait oser. La Cinq fut en la matière une pionnière. Depuis, qu'il s'agisse d'Envoyé Spécial sur France 2 ou 52 sur la Une sur TF1, tous ont copié. Et encore. Reporters était très différent. Pas de sujets pour faire larmoyer dans les chaumières, pas de reconstitutions style reality show. La réalité d'un monde en ébullition vue par les caméras de grands reporters. Conforté par ce succès, Patrick de Carolis lance plusieurs autres magazines. Nomades pour n'en citer qu'un. Là encore toujours et simplement la vérité sur l'aventure des hommes. Couronnées par de multiples récompenses, ces émissions ont disparu avec La Cinq. Elles n'existent nulle part ailleurs. Sauf sous la forme de copies. De mauvaises copies.

ROUMANIE : La couverture médiatique des événements de Bucarest n'est pas exempte de reproches. Toute la presse - télés, radios et journaux- s'est laissée abuser par le manque de recul. La Cinq, ni plus ni moins que les autres. Et pourtant, notre chaîne a été la plus critiquée, la plus attaquée. La raison: nous avions été les plus rapides.

Dès le début des événements à Bucarest, nous retransmettions les images en direct. Coup de chance et coup de génie. Coup de génie, parce que Christian Guy, le producteur de journal de 20 heures, eut une idée toute simple : les seuls journalistes présents sont des roumains, ils filment actuellement en direct pour leur télévision. Branchons-nous sur la télévision roumaine ! Coup de chance qu'un interprète roumain se trouvait ce jour-là dans nos locaux. Conduit jusqu'à la cabine son, il put commenter au fur et à mesure les images qui nous parvenaient. Et puis il y eut Timisoara et son charnier, avec des images insoutenables. Là encore, on reprocha à La Cinq son manque d'objectivité. La raison était toujours la même: trop rapide !

Nous fûmes effectivement les premiers à diffuser les images de Timisoara. Il y avait une dizaine de corps étendus, alors que les dépêches d'agence annonçaient plusieurs centaines de cadavres. La première diffusion de ces images sur notre antenne fut accompagnée d'un commentaire de notre envoyé spécial Jean-Yves Huchet. Immédiatement, il témoigna de ce qu'il observait : Oui, il y avait bien dix corps. Probablement exhumés. Oui, il pouvait s'agir d'une mise en scène. Aucune trace des centaines de cadavres annoncés. Son commentaire était entouré ainsi de mille précautions, et pourtant que retinrent le public, et nos confrères bien intentionnés ? Simplement l'image. Une image. Le cadavre d'un nouveau-né sur le corps d'une femme. On pouvait parler, expliquer, personne n'écoutait. Seul primait ce qu'on voyait. Cette affaire confirma une chose : La force de l'image est aussi l'une des faiblesses de la télévision. La question restera éternelle : Doit-on tout montrer ?

N.B. La rédaction de la Cinq reçut quelques semaines plus tard un Sept d'or exceptionnel pour sa couverture des événements en Roumanie.

 

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